Majority rule

 


 

[1835]  Alexis de Tocqueville,  De la Démocratie en Amérique, vol. I, Flammarion, Paris, 1981

-  "Qu'est-ce donc qu'une majorité prise collectivement sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu'on nomme la minorité? Or, si vous admettez qu'un homme revêtu de toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n'admettez-vous pas la même chose pour une majorité? Les hommes, en se réunissant, ont-ils changé de caractère? Sont-ils devenus plus patients dans les obstacles en devenant plus forts? Pour moi je ne saurais le croire; et le pouvoir de tout faire que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l'accorderai jamais à plusieurs." (p. 349)

-  "Il n'y a donc pas sur la terre d'autorité si respectable en elle-même, ou revêtue d'un droit si sacré, que je voulusse laisser agir sans contrôle et dominer sans obstacles. Lors donc que je vois accorder le droit et la faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu'on appelle peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu'on l'exerce dans une monarchie ou dans une république, je dis: là est le germe de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d'autres lois." (p. 350)

-  "Il n'y a pas de monarque si absolu qui puisse réunir dans sa main toutes les forces de la société et vaincre les résistances, comme peut le faire une majorité revêtue du droit de faire les lois et de les exécuter." (p. 353)

 

[1840]  Alexis de Tocqueville,  De la Démocratie en Amérique, vol. II, Flammarion, Paris, 1981

-  "A mesure que les citoyens deviennent plus égaux et plus semblables, le penchant de chacun à croire aveuglément un certain homme ou un certain classe diminue. La disposition à en croire la masse augmente, et c'est de plus en plus l'opinion qui mène le monde. Non seulement l'opinion commune est le seul guide qui reste à la raison individuelle chez les peuples démocratiques; mais elle a chez ces peuples une puissance infiniment plus grande que chez nul autre. Dans les temps d'égalité, les hommes n'ont aucune foi les uns dans les autres, à cause de leur similitude; mais cette même similitude leur donne une confiance presque illimité dans le jugement du public; car il ne leur paraît pas vraisemblable qu'ayant tous des lumières pareilles, la vérité ne se rencontre pas du côté du plus grand nombre." (p. 17)

-  "Cette même égalité qui le rend indépendant de chacun de ses concitoyens en particulier, le livre isolé et sans défense à l'action du plus grand nombre." (p. 17)

-  "Je vois clairement dans l'égalité deux tendances: l'une qui porte l'esprit de chaque homme vers des pensées nouvelles, et l'autre qui le réduirait volontiers à ne plus penser. Et j'aperçois comment, sous l'empire de certaines lois, la démocratie éteindrait la liberté intellectuelle que l'état social démocratique favorise, de telle sorte qu'après avoir brisé toutes les entraves que lui imposaient jadis des classes ou des hommes, l'esprit humain s'enchaînerait étroitement aux volontés générales du grand nombre.
Si, à la place de toutes les puissances diverses qui gênaient ou retardaient outre mesure l'essor de la raison individuelles, les peuples démocratiques substitueraient le pouvoir absolu d'une majorité, le mal n'aurait fait que changer de caractère. Les hommes n'auraient point trouvé le moyen de vivre indépendants; ils auraient seulement découvert, chose difficile, une nouvelle physionomie de la servitude. Il y a là, je ne saurais trop le redire, de quoi faire réfléchir profondément ceux qui voient dans la liberté de l'intelligence une chose sainte, et qui ne haïssent point seulement le despote, mais le despotisme. Pour moi, quand je sens la main du pouvoir qui s'appesantit sur mon front, il m'importe peu de savoir qui m'opprime, et je ne suis pas mieux disposé à passer ma tête dans le joug, parce qu'un million de bras me le présentent." (pp. 18-19)

 

[1849]  Henry David Thoreau,  Civil Disobedience, The Riverside Press, Boston, 1960

-  "Can there not be a government in which majorities do not virtually decide right and wrong, but conscience? - in which majorities decide only those questions to which the rule of expediency is applicable? Must the citizen ever for a moment, or in the least degree, resign his conscience to the legislator? Why has every man a conscience, then? I think that we should be men first and subjects afterwards." (p. 236)

 

[1906]  Piotr Kropotkin,  The Conquest of Bread, Elephant Editions, London, 1990

-  "...the faults of parliamentarianism, and the inherent vices of the representative principle, are so self-evident ... . It is not difficult, indeed, to see the absurdity of naming a few men and saying to them, 'Make laws regulating all our spheres of activity, although not one of you knows anything about them!"
"We are beginning to see that government by majorities means abandoning all the affairs of the country to the tide-waiters who make up the majorities in the House and in election committees; to those, in a word, who have no opinion of their own."
"The International Postal Union, the railway unions, and the learned societies give us examples of solutions based on free agreement in place and stead of law." (p. 53)

-  "Built up by the middle classes to hold their own against royalty, sanctioning, and, at the same time strengthening their sway over the workers, parliamentary rule is pre-eminently a middle-class rule. The upholders of this system have never seriously maintained that a parliament or a municipal council represent a nation or a city. The most intelligent among them know that this is impossible. The middle classes have simply used the parliamentary system to raise a protecting barrier against the pretensions of royalty without giving the people liberty. But gradually, as the people become conscious of their real interests, and the variety of their interests is growing, the system can no longer work. Therefore democrats of all countries vainly imagine various palliatives." (p. 159)

 

[1944]  F. A. Hayek,  The Road to Serfdom, Routledge & Kegan Paul, London, 1986

-  "It is important clearly to see the causes of this admitted ineffectiveness of parliaments when it comes to a detailed administration of the economic affairs of a nation." "The fault is neither with the individual representatives nor with parliamentary institutions as such, but with the contradictions inherent in the task with which they are charged."  "For such a task the system of majority decision is, however, not suited. Majorities will be found where it is a choice between limited alternatives; but it is a superstition to believe that there must be a majority view on everything." (p. 47)

-  "A complex whole where all the parts must be carefully adjusted to each other, cannot be achieved through a compromise between conflicting views." (p. 48)

 

[1945]  Bertrand de Jouvenel,  On Power : its nature and the history of its growth (Du pouvoir : histoire naturelle de sa croissance), Liberty Press, Indianapolis, 1993

-  "The monarch is not in the least the creature of his people, set up to satisfy their wants. He is rather a parasitic and dominating growth which has detached itself from the dominating group of parasitic conquerors. But the need to establish his authority, to maintain it and keep it supplied, binds him to a course of conduct which profits the vast majority of his subjects. To suppose that majority rule functions only in democracy is a fantastic illusion. The king, who is but one solitary individual, stands far more in need of the general support of society than any other form of government." (p. 118)

-  "By all means let the people be an absolute sovereign in the hour of choosing its representatives, for in that way the representatives hold from it unlimited authority. But when it has conferred on them this authority, its role is finished and it is of no further importance : it is now the subject, and only the assembly is sovereign. Only the assembly is the place where the general will is formed, and consultation with the people is no more than a species of cookery which boils down the entire nation into a microcosm of six hundred persons who, by an exceedingly courageous fiction, are deemed to be the assembled nation itself." (pp. 250-251)

-  "It needed to be recalled that the democratic ideal was not in origin the substitution of the arbitrary will of a body or of a crowd for the arbitrary will of a monarch as the principle of rule. As was finely said by Royer-Collard: 'The will of a single person, the will of many, the will of all, there are but variants of force of a greater or less degree; not one of these wills can, as such, claim either obedience or the smallest respect.' As Clemenceau said later, '... had we expected that these majorities of a day would exercise the same authority as that possessed by our ancient kings, we would but have effected an exchange of tyrants." (p. 280)

 

[1958]  Robert Aron et alii,  L'ère des fédérations, Plon, Paris, 1958

-  "... le fédéralisme ne traduit pas seulement une opposition fondamentale, je dirai même physique, au système jacobin, mais encore et surtout, il exprime parfaitement le caractère contractuel de la société selon Proudhon et désigne clairement l'ordre polyphonique par lequel il entend remplacer le désordre linéaire de la démocratie centraliste." (pp. 81-82)

-  "Un fois que l'on aura abandonné l'absurde système de la volonté générale, et, par conséquent, fair sauter le verrou de la souveraineté, il sera possible de trouver une solution, tant aux problèmes économiques qu'aux problèmes politiques et à ce de l'ordre supra-national." (p. 82)

-  "Le fédéralisme consiste à vivre en minorité. Denis de Rougemont a calculé qu'en Suisse tout le monde était toujours minoritaire de plusieurs façon, ce qui veut dire qu'on doit toujours compter avec les autres si l'on veut que les autres comptent avec vous."
"Est-ce donc à dire que le régime de la "moitié plus un" qui, si longtemps, passa pour la synthèse de la démocratie politique, ne s'applique pas en Fédération? Exactement!" (p. 102)